AUTREMENT AVOCATS – Maître Catherine Dumont

Étape 2 du droit collaboratif : découvrir les besoins de chacun

par | 28 Sep 2025

Dans un divorce traité par le droit collaboratif, la réussite du processus collaboratif repose sur une condition essentielle : comprendre ce que veulent vraiment les parties. Derrière les demandes exprimées – argent, garde des enfants, reconnaissance – se cachent souvent des besoins profonds qu’elles n’ont pas encore identifiés. C’est le rôle de l’avocat d’aider à les mettre au jour, car sans cette étape, impossible de parvenir à un accord amiable solide.

Pour une vision globale, consultez notre article principal : Les 5 étapes du droit collaboratif.

Comprendre le rôle de l’avocat dans le processus collaboratif

Lorsqu’un couple entame un processus collaboratif en matière de divorce, il arrive presque toujours que les revendications exprimées soient confondues avec de véritables besoins. L’avocat joue ici un rôle fondamental, car il ne se contente pas de défendre des positions ; il aide à décoder ce qui se cache derrière ces demandes souvent formulées dans la douleur ou la colère. Dans le droit collaboratif, l’accompagnement repose sur une écoute active, sur la reformulation et sur la capacité à transformer un discours revendicatif en exploration constructive.

Prenons un exemple concret. Une personne peut déclarer vouloir « obtenir X euros au titre de la prestation compensatoire », ou exiger la « garde exclusive des enfants ». Derrière ces affirmations se trouve rarement une simple recherche financière ou un désir de victoire sur l’autre. Ces mots expriment des craintes profondes : peur de manquer de ressources, inquiétude quant au logement, crainte de perdre le lien parental. L’avocat collaboratif sait identifier ces fragilités et guider son client pour distinguer l’émotion du besoin réel. C’est ce décryptage qui permet d’ouvrir le chemin d’un accord amiable dans un climat apaisé.

Le droit collaboratif se distingue du contentieux classique précisément par ce travail. Plutôt que d’alimenter le conflit devant le juge aux affaires familiales, le processus collaboratif invite les deux parties et leurs avocats à raisonner ensemble, à clarifier leurs attentes et à construire une solution durable. L’efficacité de cette approche a été démontrée par diverses études comparatives entre les modes amiables de résolution des différends et la procédure civile traditionnelle : le taux de satisfaction des justiciables est plus élevé lorsque les accords sont co-construits, car ils reposent sur des besoins identifiés et reconnus par chacun (source : Ministère de la Justice, rapport sur les MARD 2023, justice.gouv.fr).

Ainsi, comprendre le rôle de l’avocat dans cette étape revient à admettre qu’il n’est pas seulement un représentant légal, mais également un facilitateur et un révélateur de sens. Ce passage d’une logique de revendication à une logique de négociation collaborative constitue la première pierre d’un règlement des différends qui soit réellement pérenne.

Et c’est en se penchant sur la notion même de besoin que l’on peut commencer ce travail d’exploration partagée.

Qu’est-ce qu’un besoin dans un processus collaboratif ?

Dans le cadre du droit collaboratif, la distinction entre une demande et un besoin est capitale. Une demande correspond à ce que la personne exprime de manière immédiate : une somme d’argent, un droit de visite élargi, une reconnaissance écrite. Le besoin, lui, représente la motivation profonde, l’intérêt vital ou émotionnel qui se cache derrière ces mots. L’avocat formé au processus collaboratif a pour mission d’aider son client à franchir cette étape décisive de clarification.

Dans un divorce traité par modes amiables, les parties arrivent fréquemment avec des revendications dictées par l’urgence ou la peur. Mais une fois guidées, elles comprennent que ces revendications ne sont souvent que la surface visible d’un différend plus intime. Ainsi, réclamer une somme élevée peut traduire la nécessité de sécuriser un logement ou d’assurer l’éducation des enfants. Insister sur une garde exclusive peut refléter le besoin d’appartenance, ou encore la peur de perdre une place dans la vie familiale. Identifier ces véritables besoins est la seule manière de parvenir à un accord équilibré.

Cette distinction entre demande et besoin transforme complètement la négociation. Là où une demande peut sembler non négociable, un besoin ouvre la porte à des alternatives créatives. Le rôle de l’avocat collaboratif consiste alors à reformuler, à poser des questions précises et à aider la personne à prioriser. Le processus de droit collaboratif repose sur ce travail d’investigation, car il permet aux deux parties de reconnaître la légitimité de leurs attentes mutuelles.

Ce mouvement d’exploration des besoins conduit naturellement à s’appuyer sur des outils issus de la psychologie et des sciences humaines, notamment la célèbre pyramide de Maslow, qui offre une grille de lecture précieuse pour les praticiens.

La pyramide de Maslow appliquée au droit collaboratif

Dans un processus collaboratif, l’avocat ne peut se contenter d’entendre les mots de son client ; il doit comprendre les ressorts invisibles qui motivent ses positions. C’est là que la théorie d’Abraham Maslow devient un outil précieux. La fameuse pyramide, souvent utilisée en psychologie et en management, trouve une application directe en matière de divorce et dans le règlement des différends. Elle permet de hiérarchiser les besoins des parties et de mettre en lumière ce qui compte vraiment pour elles.

Maslow identifie cinq niveaux de besoins humains :

  1. Besoins physiologiques : nourriture, sommeil, santé. Dans un divorce, cela peut correspondre à l’accès à des ressources minimales pour vivre.
  2. Besoins de sécurité : logement, stabilité financière, protection face aux aléas. Ici, l’accord amiable doit intégrer la question du toit ou des revenus réguliers.
  3. Besoins d’appartenance : liens familiaux, relations sociales, sentiment de faire partie d’un groupe. Dans un processus de droit collaboratif, cela recouvre souvent la volonté de maintenir la coparentalité et la proximité avec les enfants.
  4. Besoins d’estime : reconnaissance, respect, considération. Beaucoup de différends prennent racine dans la recherche de réparation symbolique après une trahison ou un abandon.
  5. Besoins d’accomplissement : développement personnel, projets de vie. Même en procédure de divorce, certaines personnes expriment le besoin de se reconstruire et de préparer un avenir différent.

Pour les avocats formés au droit collaboratif, cette pyramide offre une boussole. Elle aide à reformuler les demandes de leurs clients : derrière une somme d’argent peut se cacher la peur de perdre son logement ; derrière une insistance sur les enfants, le besoin d’appartenance et de continuité affective. Identifier correctement le niveau du besoin permet de proposer une solution amiable adaptée et réaliste.

Cette grille de lecture ne règle pas tout, mais elle permet de déplacer la conversation du terrain conflictuel vers le terrain constructif. Et c’est précisément ce qui rend possible une solution négociée entre les deux parties.

Une fois cette cartographie des besoins établie, il devient plus facile d’illustrer, à travers des exemples concrets, la diversité des situations que l’avocat collaboratif rencontre dans la pratique quotidienne du droit de la famille.

Exemples de besoins derrière les demandes dans un divorce

L’étape de découverte des besoins dans un processus collaboratif prend tout son sens lorsqu’on observe les cas concrets que rencontrent les avocats en droit de la famille. Chaque demande apparente peut cacher des attentes profondes et variées, que seule une analyse fine permet de révéler. Ce travail conditionne la possibilité d’un accord amiable entre les deux parties.

La prestation compensatoire : survie ou sécurité ?

Lorsqu’une personne réclame une somme importante, il s’agit parfois d’un besoin vital : assurer sa survie après le divorce, notamment si elle n’a pas exercé d’activité professionnelle durant plusieurs années. Mais dans d’autres cas, cette demande traduit plutôt une recherche de stabilité matérielle : sécuriser un logement, garantir une indépendance financière, anticiper l’avenir des enfants. L’avocat collaboratif doit donc vérifier si l’exigence relève d’un besoin de base ou d’une sécurité à plus long terme.

La garde des enfants : appartenance et continuité

La question de la résidence des enfants est l’un des points les plus sensibles dans un différend familial. Derrière la volonté de « tout obtenir », se cachent souvent des besoins affectifs essentiels : préserver le lien parental, maintenir une routine pour les enfants, éviter les ruptures brutales. L’accord construit en droit collaboratif permet d’intégrer ces attentes en tenant compte du rythme scolaire, de la proximité géographique et des capacités d’accueil de chaque parent.

La reconnaissance symbolique : estime et réparation

Il n’est pas rare que l’une des parties exprime le désir que « l’autre paye » ou « reconnaisse le tort subi ». Cette demande, en apparence punitive, renvoie à un besoin d’estime : être entendu, voir la souffrance reconnue, retrouver confiance en soi. Si ce besoin n’est pas identifié, la négociation risque de rester bloquée. Mais une fois mis en lumière, il devient possible d’imaginer une solution négociée qui intègre cette reconnaissance, sans pour autant raviver le conflit.

Plusieurs besoins en même temps

Un même cas peut mêler différents niveaux : survie matérielle, sécurité financière, appartenance familiale et estime personnelle. Le rôle de l’avocat collaboratif est alors d’aider son client à hiérarchiser ces priorités pour parvenir à un compromis. Cette approche empêche la rigidité des positions et ouvre la porte à des alternatives créatives.

Ces exemples montrent que la découverte des besoins n’est pas une formalité mais une condition indispensable pour transformer le litige en solution amiable. Cette étape met en évidence l’importance du rôle joué par les avocats dans la mise en place d’un travail d’équipe avec leurs clients et avec la partie adverse.

Le rôle des avocats et le travail d’équipe

Dans le droit collaboratif, l’avocat ne se limite pas à conseiller juridiquement son client. Il agit comme un partenaire actif dans la recherche d’une solution amiable. Son rôle consiste à créer un espace de confiance où les parties peuvent exprimer leurs besoins sans crainte que cela ne soit utilisé contre elles. C’est là que la confidentialité contractuelle du processus collaboratif prend toute son importance : les échanges ne peuvent pas être réutilisés devant le juge en cas d’échec, ce qui permet une parole plus libre et sincère.

Le travail des deux avocats ne s’oppose pas, il se complète. Chacun assiste son client, mais tous deux collaborent pour favoriser un climat apaisé et guider la discussion vers un accord durable. Cette approche repose sur une méthode structurée, enseignée aux avocats formés au droit collaboratif, qui inclut la reformulation, l’écoute active et la recherche de compromis créatifs. C’est un véritable travail d’équipe qui réunit les parties et leurs avocats dans une logique commune de résolution des différends.

Le rôle des praticiens est aussi de rappeler que, contrairement à une procédure civile classique où le juge tranche, ici, ce sont les deux parties elles-mêmes qui construisent leur solution. L’avocat collaboratif agit comme un facilitateur, un médiateur de langage, parfois même un traducteur émotionnel. Grâce à cette posture, le processus de droit collaboratif permet d’éviter l’escalade contentieuse et de préserver les relations futures, notamment lorsqu’il y a des enfants.

Cet accompagnement partagé illustre à quel point le droit collaboratif repose sur une dynamique collective. Sans cette coopération entre praticiens, la recherche d’un compromis équilibré serait vouée à l’échec.

En affinant les échanges et en aidant à formuler les véritables attentes, les avocats préparent naturellement le terrain à une phase essentielle : celle de la reformulation et de la mise en place d’une négociation constructive.

L’art de la reformulation et la recherche de solutions

Au cœur du processus collaboratif, la reformulation constitue l’outil privilégié de l’avocat. Il ne s’agit pas simplement de répéter ce que dit son client, mais de transformer une revendication brute en un besoin objectif et entendable par l’autre partie. Cette compétence distingue le droit collaboratif des démarches contentieuses classiques : là où le litige se nourrit d’oppositions, la reformulation ouvre un espace de compréhension réciproque.

L’avocat collaboratif doit ainsi traduire une demande rigide en termes plus souples. Par exemple, « je veux la garde totale des enfants » peut devenir : « mon besoin est de maintenir un lien fort avec mes enfants et d’assurer leur sécurité affective ». Cette reformulation change la dynamique, car elle invite à explorer des solutions multiples : garde alternée, organisation souple des vacances, ou encore proximité géographique pour préserver le quotidien des enfants.

C’est dans ce travail que se joue la possibilité d’une solution négociée. En reformulant, l’avocat aide son client à raisonner, à sortir d’une posture de confrontation pour entrer dans une logique de coopération. Les négociations prennent alors une dimension créative, loin du cadre figé de la procédure civile. Les parties peuvent envisager ensemble des compromis qu’aucun juge ne pourrait imposer dans une décision standardisée.

Cet art de la reformulation, associé à la recherche de solutions personnalisées, fait du processus de droit collaboratif un outil puissant de résolution des différends. En orientant la discussion vers les besoins, il devient possible de trouver une solution pérenne et adaptée, qui respecte le vécu de chacun tout en garantissant un cadre légal sûr.

Et lorsque les besoins ont été reformulés et que les pistes de solutions apparaissent, l’étape suivante consiste à accueillir une dimension plus intime : celle des émotions, inévitables dans tout divorce ou différend familial.

Une étape émotionnelle et rationnelle à la fois

Dans un processus collaboratif, l’exploration des besoins ne se limite pas à un travail intellectuel. Le divorce ou tout autre différend familial réveille des émotions intenses : colère, tristesse, sentiment d’injustice. L’avocat collaboratif doit accueillir ces réactions avec empathie tout en aidant son client à les transformer en matière exploitable pour la négociation. C’est un équilibre subtil entre soutien émotionnel et accompagnement rationnel.

L’expression de ces émotions n’est pas un obstacle, mais une étape nécessaire. Pleurer, exprimer sa colère, reconnaître sa peur de l’avenir : autant d’éléments qui permettent à la personne de cheminer vers une parole plus claire. L’avocat joue alors un rôle de catalyseur, en offrant un espace où la parole peut se libérer sous le sceau de la confidentialité prévue dans le processus de droit collaboratif. Cette sécurité encourage une communication plus authentique entre les parties.

En parallèle, l’avocat collaboratif aide à raisonner, à prioriser les attentes, à séparer le besoin réel de l’émotion transitoire. Ce travail de clarification permet de transformer la souffrance en projet et d’ouvrir la voie à un accord amiable plus solide. Car une solution construite dans la précipitation émotionnelle a peu de chances d’être durable ; une solution élaborée après ce temps de maturation a davantage de chances d’être acceptée et respectée par les deux parties.

Ainsi, l’étape de découverte des besoins est à la fois un temps de décharge émotionnelle et de construction rationnelle. Elle sert de tremplin pour envisager un futur apaisé et préparer le règlement des différends de manière pérenne.

Lorsque ce double travail est accompli, le terrain est prêt pour finaliser une solution qui dépasse le simple compromis : une véritable convention équilibrée, issue d’un travail d’équipe entre avocats et clients.

Un socle pour bâtir des accords durables

L’étape 2 du droit collaboratif, centrée sur la découverte des besoins, constitue bien plus qu’un simple passage obligé. Elle pose les fondations d’un processus collaboratif capable de transformer un divorce ou un différend familial en une opportunité de dialogue. Sans ce travail d’introspection guidée par l’avocat, aucun accord amiable ne peut réellement tenir sur la durée. C’est en mettant à jour les besoins profonds des parties que l’on évite les solutions artificielles, vite fragilisées par les rancunes ou les frustrations non exprimées.

Ce qui distingue le processus de droit collaboratif des autres modes amiables de règlement des différends, c’est précisément cette exploration sincère. Les avocats formés à cette pratique savent créer un climat où chaque partie ose formuler ses craintes et ses aspirations. En s’engageant contractuellement dans un travail d’équipe, les praticiens garantissent que les solutions élaborées reposent sur une compréhension mutuelle et sur une volonté commune d’apaisement. Cette dynamique collaborative permet non seulement de trouver une solution négociée, mais aussi de préserver des relations futures, en particulier lorsqu’il y a des enfants.Au-delà du cadre juridique, cette étape rappelle que le droit collaboratif permet de donner une dimension humaine à la procédure de divorce. Plutôt que de se limiter à l’application stricte du droit, il ouvre la voie à une approche plus équilibrée, où la légitimité des besoins prime sur la rigidité des positions.

maitre catherine dumont
Avocat au Barreau de Paris à  | 01 85 09 93 25

Forte de ses 20 années d’expérience, Maitre Catherine Dumont vous accompagne en Droit de la Famille pour traverser les turbulences d’une séparation, ou en Droit du Travail pour affronter les difficultés liées à un départ de votre entreprise.